La honte et la culpabilité deux émotions souvent confondues.

La culpabilité et la honte sont deux émotions intimes qui façonnent profondément notre rapport à nous-mêmes et aux autres. Elles peuvent être des guides précieux quand elles nous aident à prendre conscience de nos erreurs ou de nos limites, mais elles deviennent destructrices lorsqu’elles nous enferment dans un sentiment de faute ou d’indignité.


Le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron explique :

« La honte est également souvent confondue avec la culpabilité, et c’est là aussi une erreur. La honte est en effet un signal émotionnel désintégrateur (avec tout ce que l’émotion, bien sûr, implique d’états du corps et de fantasmes), alors que la culpabilité est plutôt un signal émotionnel intégrateur et donc structurant. La preuve de leur différence est donnée par la place que leur donne la justice. La honte n’a aucune importance et seule importe la culpabilité.« 

La culpabilité est liée à ce que l’on fait : je me reproche un acte, une parole, une décision.

La honte concerne ce que l’on est : je me sens mauvais, insuffisant, indigne.

La culpabilité socialise, la honte désocialise.

Quand la culpabilité et la honte enferment :

La culpabilité
peut parfois être constructive : elle nous pousse à réparer. Par exemple, demander pardon, rétablir un lien, corriger un comportement. Mais lorsqu’elle devient excessive, elle tourne en boucle et nous empêche d’avancer.

La honte, elle, est plus insidieuse. Serge Tisseron* rappelle qu’« elle s’installe dans le regard de l’autre et nous enferme dans le secret ».
Beaucoup de personnes gardent le silence sur ce qui leur fait honte, par peur du jugement ou du rejet. Cela peut concerner des erreurs passées, des fragilités familiales, ou des traumatismes. Cette honte cachée peut peser sur toute une vie, voire se transmettre de génération en génération.

Comment dépasser la culpabilité et la honte ?

Il n’existe pas de recette rapide, car ces émotions s’enracinent souvent dans notre histoire personnelle, familiale et sociale. Elles demandent du temps pour être apprivoisées.

Plusieurs approches thérapeutiques offrent des chemins pour les transformer :

La psychothérapie analytique aide à mettre des mots sur ce que l’on vit, à relier les sentiments actuels aux expériences passées, et à comprendre d’où vient ce poids intérieur. La honte est un signal : elle indique que quelque chose en nous demande à être reconnu et partagé. En revisitant l’histoire de nos liens et de nos blessures, il devient possible de desserrer l’emprise de la culpabilité et de la honte.
Pouvoir en parler dans un cadre sécurisé aide à alléger leur poids.

L’art-thérapie donne un espace d’expression symbolique.
Créer un collage, peindre ou modeler, c’est déposer autrement ce qui est difficile à exprimer. Une personne qui se sent enfermée dans la honte pourrait, par exemple, peindre un personnage minuscule face à un grand mur noir (c’est un exemple, chacun a ses propres représentations). Puis, au fil des séances, ce personnage peut prendre plus de place, s’entourer de couleurs. Ce processus symbolique ouvre un chemin de réparation.
Les formes, les couleurs et les gestes deviennent des médiateurs entre le monde intérieur et extérieur, ouvrant une voie vers la transformation.

La photo-thérapie engage un travail avec l’image.
Selon Tisseron, « la honte est toujours liée à l’image que l’on croit donner de soi ». En travaillant avec la photographie, on apprend à revisiter cette image, à se réapproprier son regard sur soi.

En se photographiant soi-même ou en se laissant photographier dans un regard bienveillant, en revisitant d’anciennes photos de famille ou en travaillant sur ses propres images, on peut explorer la manière dont on se perçoit, et petit à petit transformer une vision marquée par la honte ou la culpabilité en une image réconciliée de soi.

Cela permet de transformer le rapport à soi. Par exemple, une personne qui se voyait toujours “mal” sur ses photos peut découvrir d’autres facettes de son visage ou de son corps, et peu à peu réconcilier son regard intérieur avec son image extérieure et retrouver une image plus juste de soi.


Se libérer de la honte et de la culpabilité ne veut pas dire les effacer : elles font partie de la condition humaine. Mais elles peuvent devenir des signaux utiles, plutôt que des prisons intérieures. Les thérapies analytiques, l’art-thérapie et la photo-thérapie offrent des espaces pour mettre en mots, en images ou en formes ce qui nous pèse, et retrouver une image plus juste, plus apaisée et plus vivante de soi.

*lire ici l’article complet et fort intéressant

Pour aller plus loin : lectures, podcasts, vidéo sur la honte et la culpabilité, essentiellement Serge Tisseron mais vous trouverez d’autres lectures ou podacsts sur le sujet si vous souhaitez le creuser.

 Livres de Serge Tisseron :

Tisseron, S. (1992). Du bon usage de la honte. Paris : Ramsay.
Un ouvrage accessible qui montre comment la honte peut être reconnue comme un signal utile plutôt que vécue uniquement comme un poids.

Tisseron, S. (2007). La honte : psychanalyse d’un lien social. Paris : Dunod.
Analyse approfondie de la honte dans ses dimensions personnelles, sociales et familiales.

Tisseron, S. (2019). Mort de honte. Paris : Albin Michel.
Exploration de la honte extrême, de sa transmission familiale et des moyens de la transformer, notamment à travers la création artistique (BD, dessins).

Articles et textes accessibles en ligne
Tisseron, S. (2008). Voyage à travers la honte.
Disponible en ligne (PDF) : yapaka.be
Un texte clair et concis sur le rôle de la honte, ses impacts identitaires et les voies de réparation possibles.

Sur CAIRN
Entretien avec Serge Tisseron (2000). La honte, une émotion fondamentale.
Cairn.info : lire l’entretien
Serge Tisseron y décrit la honte comme un signal d’alarme qu’il faut apprendre à écouter plutôt qu’à refouler.

 Podcasts :
Le comptoir de la psychologie – Épisode « La honte » Disponible sur Apple Podcasts
Explications accessibles de la différence entre honte et culpabilité, avec des références à Tisseron.

Un podcast sur la honte, très court si vous n’avez pas le temps par Christophe André, psychiatre et psychothérapeute

Vidéos
Serge Tisseron – Interview autour de son livre Mort de honte.
Sur YouTube : Regarder l’interview
L’auteur explique comment la honte peut être travaillée et transformée par la création artistique.

Sur Youtube : Serge Tisseron, Dire la honte pour éviter qu’elle ne se transmette